Remacle Le Loup, Le château de Hermal, gravure, 1735 – détail.
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Les mystères de la grotte de Lourdes

de Hermalle-sous-Huy





Face au porche de l'église Saint-Martin se trouve une grotte de Lourdes… enclavée dans la Ferme castrale !

En soi, cela n'a rien de surprenant car de nombreuses localités, en Europe, ont vu construire sur leur territoire une grotte-réplique de celle de Massabielle - dite « Grotte de Lourdes » - où la jeune Marie-Bernarde (dite Bernadette) Soubirous affirma avoir vu apparaitre la Vierge à 18 reprises entre le 11 février et le 16 juillet 1858.

La popularité de ces évènements fut énorme, et les catholiques y trouvèrent une raison de réaffirmer leur foi.  D'où ces constructions multiples de grottes la plupart du temps factices dans ou près d'églises, de chapelles ou de calvaires, dans ou à côté de cimetières, adossées à des immeubles, voire sur une colline ou en forêt.  

On y trouve parfois - ce qui n'est pas le cas à Hermalle-sous-Huy - un fragment de la grotte de Massabielle, rapporté par un pèlerin et qui est inclus dans la paroi, comme par exemple dans la grotte de Lourdes qui flanque l'église  Notre-Dame construite en 1871 à Ombret, le village contigu à Hermalle :

photo du fragment   vue de la grotte d'Ombret

Le fragment est surmonté d'une notice et placé dans la paroi de la grotte à droite de l'autel.


Aucune de ces grottes n'est donc antérieure à 1858 et même à 1862, année où une commission d'enquête de l'évêché de Tarbes admit les apparitions et où commença l'aménagement de la grotte de Massabielle et la construction d'une basilique...

Qu'en est-il pour celle de Hermalle ?  De quand date-t-elle exactement ?  Qui l'a construite ?

On n'en sait plus rien !

L'emplacement : un cimetière ?

Les plans cadastraux indiquent que jusqu'en 1856 une prairie s'étendait entre le mur de façade est du XVIIe siècle de la Ferme, l'église et les murs d'enceinte du cimetière situé sur les flancs du bâtiment religieux.  

Pour mémoire, la Ferme était alors incluse dans le domaine seigneurial dont le propriétaire était Charles Marie Louis de Potesta d’Engismont qui l'avait acquise en 1853 de la famille de Warzée d'Hermalle, après le décès à Ramelot de Charles-Nicolas-Joseph Warzée baron d'Hermalle en 1852.

Donc jusqu'en 1856, une pâture (n° 129)...  

plan cadastre

Plan du cadastre en 1829.


Cette année-là, le baron de Potesta agrandit la ferme en utilisant ce terrain n° 129 sauf- et c'est là que commence le mystère ! - sur une parcelle de terrain (celle où se trouve la grotte !) de 6,73 m de large sur 5,78 de profondeur, face au porche de l'église, que les plans cadastraux annoncent subitement transformée en... cimetière (n° 129a).

croquis avant et en 1856


Pourquoi donc un cimetière ?  Quelqu'un aurait-il été enterré à cet endroit ?
Même si cela parait logique, nous n'en avons pas retrouvé de trace écrite... sauf que...

L'ancien propriétaire, le baron de Warzée d'Hermalle, avait eu de son premier mariage avec Marie-Josèphe, dite Joséphine, de Louvrex-Hougardy, un fils : Charles-Eugène-Joseph de Warzée d'Hermalle qui était domicilié au château et décéda à Liège le 20 janvier 1846 - soit 5 ans et 347 jours avant son père.

Le faire-part de décès est ainsi rédigé :

Pénétrée de la plus vive douleur, j'ai l'honneur de vous faire part
de la mort de mon très-cher époux, Monsieur

Charles-Eugène-Joseph Baron de Warzée d'Hermalle

Décédé aujourd'hui, à Liège, à l'âge de 37 ans, muni des Sacrements
de notre mère la sainte Eglise.

J'ai la confiance que sa piété et toutes les qualités de son cœur lui
ont valu la récompense réservée aux justes, mais, les décrèts du Très-
Haut étant impénétrables, j'ose le recommander à vos pieux souvenirs.


Adèle Baronne de Warzée d'Hermalle née de Gomzé.  


Les Obsèques solennelles auront lieu à Hermalle-sous-Huy, le Mardi 27 Janvier courant
à 10 heures.


On peut supposer que le père fit enterrer ce premier fils ainé dans le domaine seigneurial, face à l'église... d'autant que
  • il n'existe plus de livres de sépulture à Liège pour cette période... ce qui ne permet plus de vérifier si l'homme décédé à Liège fut enterré dans cette ville
  • il ne reste plus de traces de tombe à Ramelot…
  • il existe une pierre mémorielle au nom de Charles-Eugène-Joseph qui était placée au fond… de la grotte de Lourdes ! 
Cette pierre, dont on a longtemps pensé qu'il s'agissait d'un cénotaphe... (ce dernier n'étant qu'un monument funéraire élevé à la mémoire d'un mort qui a été enterré ailleurs ou n'a pas reçu de sépulture) fut cassée sous le jet du karcher utilisé à la fin des années 1980 par les villageois qui voulaient nettoyer la grotte ; conservée par nos soins, elle aurait dû être rénovée et réinstallée dans la grotte en 2013 mais les montants des devis étaient trop élevés pour nos moyens...

Le texte gravé dans la dalle parait tout au moins sans équivoque : « Sépulture de Monsieur Charles Eugène Joseph Baron de Warzée d'Hermalle ».

Il devait donc y avoir une tombe « dans la prairie » en 1852 avant que l'emplacement ne soit cadastré cimetière.
Cela expliquerait que l'agrandissement de la ferme en 1856 ait été réalisé « autour » de la parcelle et non… en ligne droite.


La façade de la Ferme derrière la grotte

On note que la façade de la Ferme, due à l'agrandissement de 1856, présente encore aujourd'hui tout autour du cimetière, à 4,40 m du sol, un bandeau horizontal de briques en saillie qui, précisément au-dessus du monument mortuaire, forme une arcature.

Au-dessus de l'arcature de trouve une allège en pierre de taille et 3 baies murées dont la centrale domine les autres en hauteur, pile donc dans l'axe du tombeau.

Cette façade, jusque dans les années 1960, présentait aussi, toujours au-dessus à la verticale du monument, de l'arcature et de la baie centrale une importante élévation terminée par un fronton.

Le fronton sur deux photos

La preuve : l'élévation est visible sur ces deux photos, celle de droite pouvant être datée
des années 1960 en raison de la présence d'une voiture Ford Anglia.  Le clocheton qui semble surmonter le fronton sur celle
de gauche appartient au château, raison pour laquelle il n'apparait pas à droite où il est caché par la végétation.

L'ensemble semble bien avoir été pensé pour mettre un tombeau en valeur…

La grotte de Lourdes cache le bas de cette façade qui, en réalité ne descend pas jusqu'au sol mais un peu au-dessous de la limite supérieure de la paroi de tuf !

Car cette façade aveugle est celle d'une passerelle en encorbellement, sur trois voutes en berceau reposant sur des consoles !  Une passerelle qui permettait de passer, par l'étage, de la partie agrandie au nord à celle du sud - et vice-versa.

photo d'une des voutes en berceau

La preuve : Une des voutes en berceau sur consoles photographiée en mai 2013.
On aperçoit à gauche la paroi de la grotte.

En résumé :

schéma de la façade en 1856   la même façade avec la grotte avant les années 1960   une vue en coupe    la façade réduite en hauteur

Le tombeau

Le monument funéraire se compose d'une dalle de pierre bleu-gris dressée verticalement au fond (à quelques centimètres du mur de la Ferme) et au centre de l'enceinte ; le sommet et la base comportent une moulure rapportée.

Un creux rectangulaire d'une profondeur de 1,5 cm dans un peu plus de la moitié supérieure de la dalle permet d'accueillir la plaque de marbre portant l'inscription gravée.

le monument funéraire vu de face  la plaque de marbre avec l'inscription

À gauche, l'emplacement du tombeau au fond de la grotte.
À droite, les fragments de la plaque de marbre portant l'inscription
« Sépulture de monsieur Charles Eugène Joseph Baron De Warzée d'Hermalle décédé le 20 janvier 1846
R.I.P. enceinte réservée à sa famille »



La grotte

La grotte a été construite sur l'emplacement de ce cimetière, devant la façade en retrait de la Ferme mais sans s'appuyer sur elle : il existe un espace entre l'arrière de la grotte et le mur de la Ferme.

Elle présente deux cavités : l'une légèrement excentrée et en hauteur abrite une statue de la Vierge ; au fond de l'autre, centrale et d'une profondeur de 1,7 m, se situe le tombeau.

Le matériau utilisé pour la construction de la grotte est le tuf calcaire, appelé aussi travertin, provenant d'une rivière de la région hutoise, le Hoyoux ; cette roche sédimentaire calcaire, légère mais cependant très solide car elle durcit avec le temps et résiste à toutes les intempéries, a rarement été utilisée en Belgique pour la construction de grottes qui sont plutôt faites en blocs de calcaire de Meuse ou en ciment.  
Les morceaux de travertin sont posés avec un mortier beurré et l'irrégularité de la pose ne se devine pas, étant donné l'aspect concrétionné et spongieux du tuf.

La grotte, qui se prolonge latéralement par deux parterres bordés de pierres le long des murs de la Ferme couverts d'un enduit projeté, présente aussi des petites poches permettant une ornementation végétale.  

Des exvotos y sont accrochés, et un pique-cierge en fer du XIXe siècle est toujours encore garni de bougies allumées par les dévots - ce qui indique clairement que la volonté des proches de Charles-Eugène-Joseph de Warzée d'Hermalle n'est plus respectée - la dalle précisant « Enceinte réservée à sa famille »…

Inscription fleurie : Remerciements à N-D de Lourdes pour une grâce obtenue.

Au centre de la parcelle close par une grille à portillon, une statue de Sainte Bernadette Soubirous, agenouillée, est orientée vers la Vierge. Vierge et sainte ont été réalisées en ciment.

La rénovation de la place des Combattants (renouvèlement des conduites d'eau, enfouissement de câbles électriques, dallage, ajout de mobilier urbain, en cours de puis septembre 2012) inclut l'éclairage de la grotte.

La grotte en 1990

En 1990.


photo de face

En 2012 - Auteur : Ludo29

La grotte en 2019

En 2019

Pour les Journées du Patrimoine 2019 « Le Patrimoine se met sur son 31 », Bernadette a revêtu une nouvelle tenue (dont les couleurs s'inspirent des photographies prises du vivant de la sainte) grâce au travail des bénévoles de l'asbl Syndicat d'initiative de Hermalle-sous-Huy La Rawète :

avant-après



Bibliographie

  • Bruno Franco, Geoffrey Houbrechts, Jean Van Campehout, Éric Hallot et François Petit, « Étude géomorphologique des barrages de travertin du Houyoux », dans Bulletin de la Société géographique de Liège, 50, 2008, p.45-46 






















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Asbl Syndicat d'Initiative d'Hermalle-sous-Huy (La Rawète) dans la Ferme Castrale de Hermalle-sous-Huy